Dystopie : -« U(o)RBAN SQUARES ? » – No!

-« U(o)RBAN SQUARES ? »

– No!

Projet réalisé en Master 2 par Buson Karine, Capel Benoit, Morin Mathilde, Rabbe Jonathan et Zahra Olivier.

Réflexions sur le quartier LOI/BELIARD de Bruxelles :

Nous voici au cœur du quartier Européen. La rue Belliard et la rue de la Loi représentent l’axe est-ouest majeur de la capitale de l’Europe. C’est aussi sur cet axe que se confinent, dans un couloir obstrué perpétuellement, les piétons, cyclistes et voitures disposés entre les immenses institutions européennes. Mais l’infime espace public disponible et l’austérité des façades de ces bâtiments aux architectures mégalomaniaques ne laissent aucune place au repos du citoyen. Quelques arbustes maigrelets plantés en rang d’oignons sont les seules échappées de verdure de ce lieu.
Effectivement, s’il y avait son contraire, il y aurait surement le temps de pause, le temps d’arrêt, le temps de pensée. Or la conscientisation des valeurs humaines, comme le simple fait de prendre conscience de notre respiration, nuirait à ce système fondé sur la base des impulsions et des automatismes liés à la surconsommation humaine.

Mais le capitalisme sauvage sait se défendre. Ainsi, pour qu’il n’y ait pas la tentation d’en sortir, il promet un paradis à ses loyaux serviteurs. D’une part, cette promesse les mènent et leurs donnent accès aux perversités du monde et à la surconsommation des biens. D’autre part, cela a pour effet, comme les œillères d’un cheval, de ne prendre aucune conscience de l’impact de ses actes et d’oublier en conséquence le monde.

Dans l’atelier, on nous demanda un état des lieux des institutions et du tissu urbain dans lequel elles sont implantées. Une partie de la réponse fut la suivante : les trottoirs sont trop étroits ; les murs et barrières éjectent les gens et ne sont pas propices à l’accueil et à l’invitation ; l’entrée des bâtiments semble dévorer les âmes de leurs membres car, le soir venu, leur visage est rempli de tristesse ; le tunnel de la rue Belliard dégueule des voitures; celles-ci ne rendent que plus difficile l’espace public pour les piétons. D’ailleurs ni ces derniers, ni les cyclistes, n’ont leurs places ici. Rien n’est là, ou plutôt tout est là pour dégager le plus vite possible un parasite qui se serait égaré dans ses rues ou qui n’aurait pas pour destination de rentrer dans l’antre d’un de ces monstres ou de prendre l’une de ses camisoles motorisées pour rentrer chez lui.
Du haut de l’arche du cinquantenaire surplombant ces rues et son rond-point cela me paraît être un fourmillement qui ressemble à un carrefour de chèvres et de moutons vêtus de costumes semblables les uns aux autres.

L’architecture de la rupture aurait pu naître alors comme une des réponses possibles à ce programme. Une architecture qui emploierait un vocabulaire fait d’étincelles et de brèches dont le but serait la conscientisation des citoyens par rapport à l’espace et l’environnement dans lequel ils vivent. Mais en réalisant cela nous serions retombés dans la naïveté estudiantine que nous tentions d’éviter. Ce n’est que partie remise.

Dans l’atelier, on nous a enseigné que chaque tracé est un acte politique. Plutôt que de tenter d’y répondre de but en blanc, cette fois-ci, nous avons eu l’ambition d’une autre approche. Il s’agissait non pas de faire de l’architecture dont les résultats ne seraient qu’utopie sans pouvoir mesurer réellement ses effets; nous nous sommes engagés dans la voie de la contre-utopie assumée.

« Le cinéma substitue à notre regard un monde qui s’accorde à nos désirs ».
Jean Luc Godard

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Dans cette génération bercée par la science-fiction de nos parents, notre imaginaire architectural fut bien sûr tiré de références cinématographiques d’utopies et de dystopies diverses.

Deux vidéos ont été réalisées afin d’illustrer ce projet : une vidéo regroupant les références cinématographiques qui nous ont inspirés et un court métrage réalisé sur le lieu en question :

Référence cinématographique

  • François Truffaut, Fahrenheit 451 (1966).
  • Ridley Scott, Blade Runner (1982).
  • Terry Gilliam, L’armée des 12 singes (1995).
  • Andrew Niccol, Bienvenue à Gataca (1998).
  • Mamoru Oshii, Avalon (2001).
  • George Lucas, THX 1138 (1974).
  • Fritz Lang, Métropolis (1927).
  • Stanley Kubrick, L’odyssée de l’espace (1968).
  • Franklin Schaffner, La planète des singes (1968).
  • Jean-Luc Godar, Alphaville (1965).
  • Lana Wachowski, Matrix (1999).
  • Christopher Nolan, Interstellar (2014).
  • Tarik Sale, Metropia (2009).
  • Andrew Stanton, Wall-E (2008).
  • Kurt Wimmer, Equilibrium (2002).
  • Duncan Jones, Moon (2009).
  • Jacques Tati, Mon Oncle (1958).
  • Paul Verhoeven, Total Recall (1990).

De même, la littérature sur ce sujet nous a aussi apporté son souffle d’inspiration :

« Grâce au contrôle des pensées, à la terreur constamment martelée pour maintenir l’individu dans un état de soumission voulu, nous sommes aujourd’hui entrés dans la plus parfaite des dictatures, une dictature qui aurait les apparences de la démocratie, une prison sans murs dont les prisonniers ne songeraient pas à s’évader, dont ils ne songeraient même pas à renverser les tyrans. Système d’esclavage où, grâce à la consommation et au divertissement, les esclaves auraient l’amour de leur servitude. »

Aldous Huxley, Le meilleur des mondes, POCKET (Paris: Pocket, 2002).

L’utopie est la recherche d’un idéal pour l’auteur qui devient un contre idéal pour ses habitants. La contre-utopie aussi nommée dystopie est une caricature à l’extrême d’une société. La dystopie était alors pour nous le moyen le plus approprié afin d’énoncer un message critique du lieu à travers une architecture caricaturant les caractéristiques du quartier Européen et les coutumes de la plupart de ses habitants. Trois modules de sphères étaient alors proposés, la sphère Sénat, la sphère Plaisir et la sphère Habitat. Les sphères sont répétées de manière abusive dans un modèle générique pouvant s’étendre vers l’infini. Cauchemardesque, cette ville monumentale des institutions européennes se déploie sous terre sans limite ni fin mêlant objets, plaisirs de la société de consommation et architecture.

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En poussant le projet jusqu’à l’extrême, allant même jusqu’à l’overdose, le débat pouvait s’ouvrir.

En somme, l’essentiel dans ce projet fut de se mesurer à la liberté d’expression autorisée pour nous étudiants d’architecture. La demande de l’atelier fut rationnelle. La problématique très claire. L’étude de faisabilité réalisée auparavant limitait toute déviation et variation des réponses possibles. Ainsi figé, le protocole de l’erreur paraissait être banni et intolérable. Or il nous semblait que l’apprentissage de l’étudiant architecte ne pouvait se faire que par la grande liberté de faire des erreurs et d’apprendre de celles-ci. C’est ce qui nous motiva jusqu’au bout.

Jonathan Rabbe
Écrits de jeunesse